Brève du cabinet STH2 relative à la réforme du régime des autorisations d’équipements matériels lourds

La réforme tant attendue du régime des autorisations d’activités de soins et des équipements lourds (EML) vient de franchir une nouvelle étape avec la parution de l’ordonnance n° 2021 -583 du 12 mai 2021.

On sait que les projets relatifs à l’installation des EML sont soumis à l’autorisation de l’agence régionale de santé (art. L.6122-1 CSP), la liste des équipements soumis à autorisation étant fixée par des textes réglementaires. Ces principes ne changent pas.

Depuis la loi de modernisation du régime de santé du 26 janvier 2016, une réforme du droit des autorisations des activités de soins et d’équipements matériels lourds était envisagée. Cette loi donnait habilitation au gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance le 28 janvier 2018 au plus tard…

L’ordonnance du 3 janvier 2018, complétée par le décret du 19 février 2018, avait permis de moderniser la procédure de droit commun des autorisations sanitaires :

  • en portant de 5 à 7 ans la durée de validité des autorisations d’activité de soins et d’EML ;
  • en réformant la procédure de visite de conformité qui est devenue facultative, à la discrétion du directeur général de l’Agence Régionale de Santé (DGARS) ;
  • en créant une procédure d’urgence spécifique d’autorisation, dérogatoire au droit commun ;
  • en prévoyant la prise en compte par le DGARS des résultats de certification émis par la Haute autorité de Santé (HAS) pour délivrer ou refuser une autorisation.

Ensuite, dans le cadre du chantier « Ma Sante 2022 », l’article 36 de la loi n°2019-774 du 24 juillet 2019 avait habilité le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à modifier le régime d’autorisation des activités de soins et des EML.

S’agissant des nouvelles dispositions spécifiques aux EML, l’ordonnance du 12 mai 2021 :

  • Soumet les autorisations à de nouvelles conditions, ce qui se manifeste en particulier par :
    • La mise en place d’indicateurs dits de vigilance « en matière de qualité et de sécurité des soins ». Ces indicateurs devront être précisés pour les activités qui seront désignées par un arrêté du ministre de la Santé sur proposition de la HAS (article L.6122-5 CSP). Tant que le texte réglementaire n’est pas paru, il est difficile de s’expliquer précisément sur les indicateurs de vigilance et les niveaux d’alerte ; on aurait pu songer aux « objectifs quantitatifs et qualitatifs » fixés par le CPOM pour les EML autorisés (ancien art. L6114-2 CSP, modifié par l’ordonnance 2020-1407 sur les missions des ARS), mais toute référence quantitative devrait disparaître puisque l’article L.6122-5 ne parle que de qualité et de sécurité. Mais ce n’est pas à dire que l’objectif quantitatif a disparu, puisque le même article commence par dire que l’autorisation est subordonnée au respect d’engagements relatifs aux dépenses à la charge de l’assurance maladie ou au volume d’activité ; cela est passé au stade de prérequis…
    • Si les indicateurs de vigilance font apparaître que le niveau d’alerte à analyser est atteint, le maintien ou le renouvellement de l’autorisation pourra être subordonné à la participation du titulaire de l’autorisation (ou de celui qui demande son renouvellement), à une concertation avec l’ARS compétente portant sur la mise en place éventuelle de mesures correctrices. Le délai de concertation ne peut être inférieur à deux mois.
    • En cas de non-respect des engagements figurant dans la demande ou en cas de refus du titulaire de l’autorisation de participer à la concertation, l’autorisation peut être suspendue ou retirée dans les conditions prévues à l’article L 6122-13.
    • La suppression, à l’article L 6122-8 du Code de la santé publique des dispositions relatives aux CPOM ce qui, selon le rapport au Président de la République, vise à éviter toute rupture d’égalité entre acteurs ; de même, le texte désormais ne fixe plus systématiquement des objectifs quantitatifs et qualitatifs mais prévoit seulement qu’il peut en être prévu, le cas échéant.
    • Une extension de l’opposabilité des conditions techniques de fonctionnement aux autorisations d’EML, en application de l’article L 6124-1 CSP (ces conditions seront fixées par décret), « afin de renforcer le principe d’un encadrement qualitatif des autorisations », ont exposé les auteurs de l’ordonnance.
  • Simplifie la procédure de renouvellement (à compter de la publication d’un décret et au plus tard le 1er janvier 2022 : article L 6122-10) :
    • Le dossier d’évaluation systématique est supprimé. Cette demande est issue du « Ségur de la Santé », mené à l’été 2020, qui a montré une volonté de simplification de la part des ARS et des établissements de santé. L’allégement de la procédure de renouvellement est rendu possible par l’existence ou la création d’autres canaux d’information pour les ARS sur les autorisations en cours (rapport de certification HAS, indicateurs de vigilance, etc.). Subsistera cependant un recueil d’informations minimal, « ciblé sur les ressources humaines déployées à l’appui de l’autorisation », a-t-il été expliqué par les rédacteurs de la réforme.
    • Le titulaire de l’autorisation doit adresser la demande de renouvellement de l’autorisation à l’ARS 14 mois avant l’échéance de l’autorisation initiale.
    • Après avoir examiné les conditions d’implantation mentionnées à l’article L 6122-2 (répondre aux besoins de santé de la population ; être compatible avec les besoins fixés par le schéma régional ou interrégional de santé ; satisfaire aux conditions d’implantation et aux conditions techniques de fonctionnement), l’ARS peut enjoindre au titulaire de l’autorisation de déposer un dossier dans les conditions fixées à l’article L 6122-9 ainsi que les résultats de l’évaluation de l’article L 6122-5, pour des questions liées à la compatibilité avec le schéma régional ou interrégional de santé, ou en cas de refus de concertation du titulaire de l’autorisation. Les références à ces procédures n’étant pas nouvelles.
  • Accroît les pouvoirs de révision des autorisations en cours :
    • Il est prévu que lorsque le directeur général de l’agence régionale de santé constate que les objectifs quantitatifs et qualitatifs assignés aux équipements lourds (cf. art. L. 6122-8) ne sont pas suffisamment atteints, il peut réviser l’autorisation initialement accordée. A compter de la notification par l’ARS du projet de révision de l’autorisation et de ses motifs, le titulaire de l’autorisation dispose d’un délai de 3 mois pour faire connaître ses observations, présenter ses projets d’amélioration du fonctionnement ou faire une proposition d’évolution de l’activité de soins ou de l’équipement conforme aux prescriptions figurant au schéma régional ou interrégional de santé. S’ensuit une procédure contradictoire qui peut, après accord, déboucher en particulier sur une autorisation modifiée. Mais si aucun accord n’a pu être trouvé dans les 6 mois, une décision de modification, voire une décision de retrait de l’autorisation, peut être prise par le directeur général de l’ARS, après avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé (cf. art. L.6122-12 CSP).

Au total l’ordonnance, malgré des changements significatifs, ne se révèle pas aussi restructurante que ce qui avait été annoncé.

Les pouvoirs des ARS qui avaient déjà été renforcés par le dispositif dérogatoire (article R 6122- 31 CSP) se trouvent en tout cas accrus par ce nouveau texte.

L’avenir nous dira si la réforme d’ampleur est repoussée ou abandonnée.